Bataille de Petitcoudiac

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Bataille de Petitcoudiac
Description de cette image, également commentée ci-après
Monument commémorant la bataille
Informations générales
Date
Lieu Trois-Rivières
Issue Victoire française
Belligérants
Drapeau du royaume de France Royaume de France
Milice acadienne
Milice Wolastoqiyik
Drapeau de la Grande-Bretagne. Grande-Bretagne
Commandants
Charles Deschamps de BoishébertJoseph Frye
Forces en présence
150 soldats et volontaires
Canots en écorce
200 soldats
2 goélettes
1 chaloupe
canons
Pertes
1 mort
3 blessés graves
24 morts
11 blessés

Guerre de la Conquête

Batailles

Bataille de Port-LaJoye

Géolocalisation sur la carte : Beausoleil
(Voir situation sur carte : Beausoleil)
Bataille de Petitcoudiac

La bataille de Petitcoudiac est une bataille de la guerre de la Conquête qui eut lieu en septembre 1755 dans le secteur des Trois-Rivières, dans le Sud-Est de la région Beausoleil. Ce qui devait être une opération de déportation de la population acadienne par l'armée britannique se transforma en bataille, où ces derniers subirent des pertes importantes.

Contexte

Après la bataille de Fort Beauséjour, les Britanniques contrôlaient la plupart de l'Acadie et voulaient se débarrasser de tous les Acadiens vivant dans la région. La déportation devait s'effectuer en deux étapes. La première était de rassurer la population.

Lieutenant-général Robert Monckton, par Benjamin West.

Au fort Cumberland (Beauséjour), le lieutenant-général Robert Monckton donne des cadeaux au prêtre Le Guerne et à d'autres Acadiens. Il parvient ensuite à convoquer au fort les chefs des familles acadiennes de la région qui sont environ 460. Le 11 août 1755, Monckton les emprisonne ensuite dans les forts de la région et leur annonce que leurs terres sont confisquées et qu'ils seront bientôt déportés. Monckton les rassure en leur disant qu'ils iront à l'Île Royale, où les autres Français les attendent. Il permet ensuite aux femmes de visiter leurs maris. La plupart des femmes et des quelques hommes encore libres partent en forêt et lancent un appel de détresse au régiment français de Charles Deschamps de Boishébert, près du fleuve Saint-Jean. Certaines femmes profitent des visites pour donner des armes ou des déguisements dissimulés à leurs maris. Monckton interdit les visites à la suite de l'arrestation d'un homme qui tentait de s'échapper en déguisement de femme. Monckton tente ensuite d'attirer les femmes aux forts mais ne réussit pas. Après le succès du raid d'Abijah Willard et le refus de coopération des femmes de la région, Monckton décide de déporter tous les habitants des régions limitrophes de l'isthme de Chignectou (où se trouve le fort), soit la Baie-Verte et les Trois-Rivières.

Préparation

Le 25 août 1755, deux semaines après l'appel de détresse, Charles Deschamps de Boishébert arrive du fleuve Saint-Jean avec une soixantaine de soldats et autant de Wolastoqiyik[1].

Le lieutenant-général Robert Monckton ordonne au major Joseph Frye de se rendre aux Trois-Rivières, de brûler tous les villages et de ramener autant de prisonniers que possible. Il envoie 200 soldats sous le commandement du major Joseph Frye.

Après l'échec du raid de Sylvanus Cobb, le 10 août, où tous les Acadiens s'étaient cachés dans les bois, Monckton pense que la dévastation forcera les femmes à venir de leur propre gré avec leurs enfants aux forts anglais. Huit navires arrivés le 21 août, dont le Syren, les attendent dans la rivière Mésagouèche près du fort Lawrence.

Une chaloupe et deux goélettes sont appareillées et les soldats montent à bord les 27 et 28 août. La chaloupe York and Halifax du capitaine Sylvannus Cobb en reçoit 40 dont Frye lui-même. La goélette Warren, commandée par Nathaniel Adams, en porte environ 65 soldats dont le capitaine Thomas Speakman, les lieutenants John Endicott et Billings et le chirurgien March. La deuxième goélette, le plus gros vaisseau, est commandé par le capitaine Newell et emporte presque 100 soldats dont le major Jebediah Preble et le capitaine Brentnall.

Les bateaux partent de la rivière Mésagouèche en fin d'après-midi, le 28 août. Le même jour, ils se rendent presque à la baie du Grand-Maringouin, jettent l'ancre et y passent la nuit. Les Britanniques attendent jusqu'au 31 août à cause de la pluie. Ils décident d'attendre pour partir, parce que c'était un dimanche. Ils partent au soir et jettent l'ancre en aval de Chipoudie.

Les Acadiens évacuent alors les villages. Certains font le guet et d'autres vont avertir Boishébert, qui se trouve sur la rive est de la rivière Petitcoudiac avec une centaine d'hommes. Boishébert et ses hommes arrivent à Chipoudie en canots d'écorce et accostent à un kilomètre et demi en amont de la position des Anglais. Les Acadiens renseignent Boishébert et le conduisent près de la position des Britanniques.

Attaque à Chipoudie

Au matin du 1er septembre, Frye prépare le plan d'attaque. Une des goélettes a l'ordre de brûler les hameaux du sud de Chipoudie. L'autre goélette et la chaloupe York and Halifax doivent détruire les hameaux situés au nord de la Chipoudie, au pied des collines. C'est la partie principale et la plus ancienne du village, où s'y trouve aussi la chapelle Notre-Dame de la Visitation.

La marée haute arrive vers 5h. Les soldats anglais trouvent seulement quelques femmes et leurs enfants, qui n'ont pas pu être avertis, qui étaient malades ou qui pensaient pouvoir partir à temps. Les soldats les emportent de force dans les bateaux. Ils volent certaines provisions et mettent ensuite le feu à tout sur leur passage, les champs, le bétail, le grain et les édifices.

Entretemps, Charles Deschamps de Boishébert et ses hommes ne peuvent rien faire. Il ne s'attendait pas à cette stratégie des Anglais et avait placé ses hommes en différents endroits. Ceux-ci doivent faire de grands détours par la forêt et s'essoufflent à poursuivre les Anglais qui ne restent pas longtemps au même endroit.

Après avoir détruit tout le village, les Britanniques rembarquent et se dirigent vers le cap des Demoiselles. Ils poursuivent les mêmes manœuvres et capturent une ou deux femmes avec leurs enfants. Le travail est fini en milieu d'après-midi. Les Anglais placent leurs bateaux dans un mouillage sûr à cause du niveau trop bas de la rivière. Des soldats maltraitent quelques femmes. Quelques Acadiens se trouvant dans les environs ne peuvent endurer les cris et tirent sur les soldats, qui s'enfuient avec les femmes. Selon certains historiens, les Acadiens auraient fait alors des dizaines de morts chez les Anglais.

En tout, environ 181 bâtiments sont détruits dans tout le village de Chipoudie, et une trentaine de personnes ont été enlevées, soit 5 femmes et leurs enfants.

Plus tard dans la soirée, Boishébert et ses hommes remontent la rivière et s'arrêtent au village de Petitcoudiac.

Attaque à Le Coude

Le 2 septembre 1755, les trois bateaux anglais remontent la rivière. Alors qu'ils contournent le cap des Demoiselles, les sentinelles de Charles Deschamps de Boishébert les voient et avertissent ce dernier, qui se trouve un peu plus en amont. Voyant que les Anglais ne vont pas s'arrêter à Petitcoudiac mais qu'ils vont sûrement y venir plus tard, Boishébert décide d'envoyer quelques éclaireurs à leur poursuite. Ayant appris des tactiques anglaises, il décide de ne plus éparpiller ses troupes. Il les sépare en seulement deux groupes, l'un restant à Petitcoudiac et il emmène l'autre un peu plus en amont.

En amont du méandre de Le Coude se trouve le deuxième plus grand établissement du fleuve. Sur la rive gauche se trouve la vallée du ruisseau Nacadie. Des collines entourent les prés situés à l'embouchure du ruisseau. À l'ouest, les hautes terres forment une pointe nommée Terre-Rouge, qui comprend des fermes et une chapelle. Au nord et à l'est, il y a le hameau de Sylvabreau[2].

Peu avant 8h, les Anglais contournent la pointe de Le Coude. Le York and Halifax et l'une des goélettes entrent dans le ruisseau Nacadie et jettent l'ancre. Les soldats détruisent Terre-Rouge et Sylvabreau. Les deux bateaux vont ensuite plus au sud et détruisent un hameau situé sur de hautes terres au sud du ruisseau des Cochons. Ils n'arrivent pas à trouver le Pré-des-Surette, car les maisons sont placées de façon à ne pas être visibles de la rivière.

Sur la rive droite, en amont du coude, les Anglais détruisent quelques fermes. Ensuite, ils détruisent les fermes situées entre les deux ruisseaux en aval de Le Coude. Encore plus en aval, ils incendient le Village-des-Lacouline.

Attaque à Petitcoudiac

Opérations et bataille lors de la Bataille de Petitcoudiac.

Un peu après midi, près de la Pré-des-Surette, les trois navires se rencontrent. Frye ordonne au York and Halifax et à la goélette de Newell de détruire le Cran, sur la rive ouest, et quelques fermes sur la rive opposée.

Il confie au Warren et à Adams la mission de détruire Petitcoudiac, le plus important village du fleuve. Situé dans une large étendue de marais transformés en prés par l'usage des aboiteaux, au pied des collines, Petitcoudiac comprend trois hameaux. Le Village-des-Dubois est situé le plus en amont au bord du ruisseau des Dubois et comprend 7 ou 8 fermes. Village-des-Blanchard est le hameau le plus central. Il est situé sur une colline à un peu plus de trois kilomètres au sud et comprend une chapelle. À moins de deux kilomètres au sud de ce dernier s'étend le Village-d'en-Bas. Dans le marais entre Village-des-Dubois et Village-des-Blanchard se trouve une colline appelée Île de l'étang.

Selon les ordres de Frye, un premier détachement sous le commandement d'Endicott doit brûler Village-des-Dubois, pour ensuite descendre au Village-des-Blanchard. Un deuxième détachement débarqué à cet endroit doit d'abord détruire Village-d'en-Bas, pour rejoindre le premier détachement afin de brûler le Village-des-Blanchard et sa chapelle.

De 20 à 30 jeunes acadiens se sont vraisemblablement joints aux 120 hommes de Charles Deschamps de Boishébert. Contrairement aux hommes de Boishébert qui ont des armes à feu, ceux-ci sont principalement armés de coutelas et de fourches. Les femmes et les enfants sont envoyés dans un lieu sûr, loin dans la forêt.

Le Warren, chargé d'une soixantaine de soldats, s'arrête dans la large embouchure du ruisseau des Dubois. De 30 à 35 soldats débarquent et commencent aussitôt à détruire Village-des-Dubois. Le navire continue à descendre le fleuve et dépose péniblement à la chapelle, à cause de la berge vaseuse et des haut-fonds, l'autre moitié des hommes. Ces derniers, au nombre de 25, sont placés sous le commandement du capitaine Speakman. Malgré ses ordres, Speakman quitte ce lieu et se rend au Village-d'en-Bas, pour éviter que le bateau ne soit pris dans la vase. Pour réduire les risques d'attaque, Speakman décide de changer les plans. Le chirurgien March se rend avec dix hommes au Village-des-Blanchard tandis que Speakman se rend au Village-d'en-Bas avec les 15 autres. Après avoir traversé les prés, ils rejoignent l'endroit où le Warren a jeté l'ancre. Quelques soldats restés à bord se joignent au groupe de Speakman et mettent le feu au village.

Entretemps, Boishébert amorce une manœuvre d'encerclement autour du Village-des-Blanchard.

Avant que la manœuvre soit terminée, les Autochtones ouvrent le feu sur les Anglais et courent vers eux en criant. Les troupes de Boishébert commencent alors à tirer. Le chirurgien March est tué sur le coup tandis que d'autres soldats anglais sont atteints, certains mortellement. Ils tirent à l'aveuglette et la plupart s'enfuient en descendant la colline en courant vers le marais.

Un sergent britannique et quelques soldats aperçoivent à ce moment les Français et les Autochtones qui tentent d'atteindre l'aboiteau. Ils décident de les poursuivre, tirent sur quelques Autochtones qui sont les premiers à gagner l'aboiteau. Ils se retranchent alors derrière les digues. Le lieutenant Billings a été atteint de deux balles pendant la fuite. Les Français tentent quelques manœuvres pour déloger les Anglais de leur position mais ne réussissent pas.

Speakman, qui finissait d'incendier le Village-d'en-Bas, voit la bataille et décide d'aller avec son groupe à la rescousse des autres Britanniques. Ils parviennent à les atteindre malgré le tir des Français. Les Anglais sont maintenant au nombre de 55 à 60. Ils arrivent à transporter Billings en lieu sûr. Entretemps, Frye et ses 40 hommes à bord du York and Halifax se dirigent vers le Village-des-Blanchard. Ils tentent de jeter l'ancre près de la chapelle, mais la marée baisse et ils doivent le faire un kilomètre plus en aval, au Village-d'en-Bas, où est déjà ancré le Warren.

Frye laisse à Cobb et Adams seulement quelques hommes pour défendre les bateaux. Frye traverse le marais avec les 40 autres et ils arrivent à atteindre le Village-des-Blanchard. Les Britanniques sont maintenant près d'une centaine.

Pendant quelques heures, les Anglais et les Français gardent leurs positions et tirent sporadiquement. Le niveau du fleuve baisse de plus en plus, ce qui provoque l'échouement des bateaux.

Vers 16h, Boishébert juge que les Anglais sont assez démoralisés et décide de lancer l'attaque. Son plan visera deux points, soit le coude du ruisseau du Vallon qui touche presque la Petitcoudiac et l'aboiteau en amont du ruisseau, où est concentré le gros des troupes anglaises. Les Français et les Autochtones se traînent progressent en rampant et se faufilent le long des digues.

Boishébert lance le signal peu après 16h. Les Anglais tentent de garder leur position mais prennent vite la fuite. Ceux qui gardent la rivière se retirent vers Village-d'en-Bas en longeant la digue.

Les soldats anglais tentent de fuir par le marais tandis que les français, postés sur l'aboiteau, leur tirent dessus. Plusieurs soldats sont atteints, certains meurent et d'autres se noient. Ils arrivent enfin à rejoindre les deux navires, à l'embouchure du ruisseau du Village-d'en-Bas. Les 85 survivants montent à bord des bateaux et les canons commencent à tirer sur les Français.

Les troupes de Boishébert s'arrêtent à une certaine distance des bateaux, pour éviter de se faire toucher par les boulets. Quelques Autochtones achèvent les Anglais blessés.

24 anglais manquent à l'appel et 11 militaires blessés, dont Billings, ont pu être ramenés à bord. Boishébert a perdu un seul homme et trois Autochtones sont gravement blessés. La marée monte vers 18h et les Anglais lèvent aussitôt l'ancre. Les deux vaisseaux rejoignent la goélette de Newell près de l'embouchure de la rivière Memramcook. Les Anglais passent la nuit aux alentours du cap Maringouin. Ils atteignent la rivière Mésagouèche et le fort Lawrence le lendemain matin.

Conséquences de la bataille

Le village de Chipoudie ainsi que ceux de la moitié du cours de la Petitcoudiac sont détruits et quelques dizaines de personnes ont été enlevées. Les Acadiens ont peur que les Anglais reviennent. Quant à eux, les Britanniques ont été effrayés par la défaite et ne s'aventurent plus hors des forts Lawrence, Monckton et Cumberland pendant quelques jours. Ils reprendront tout de même leurs destructions quelques jours plus tard mais en prenant plus de précautions, en envoyant plus de soldats et en attaquant uniquement les villages voisins des forts de l'isthme de Chignectou. La victoire de Petitcoudiac a sans doute poussé une partie des prisonniers du fort Beauséjour à s'évader, le 30 septembre 1755.

Après la bataille, Charles Deschamps de Boishébert retourna près du fleuve Saint-Jean avec une trentaine des familles les plus pauvres.

Cette victoire parvient à insuffler les Français et les Acadiens désespérés une énergie nouvelle de contraindre l’invasion britannique. Boishébert a eu indéniablement le mérite d'inverser l'ascendant psychologique en faveur de la France, en remontant le moral de l’armée et de la population et en montrant que la réputation d'invincibilité des Anglais était fausse.

Monument

En 1937, la Commission des lieux et monuments historiques de la République acadienne installa un cairn pour commémorer l’événement.

Notes et références

  1. Paul Surette, Petcoudiac : Colonisation et destruction - 1731-1755, Le Coude, Les Éditions d'Acadie, 1998, 127 p.
  2. Bona Arsenault, Histoire des Acadiens, Fides, 2004, p. 89